Communiqué de presse Bruxelles, 19 juillet 2022
Durant la nuit de lundi à mardi, un accord sur la réforme des pensions est intervenu au sein du kern. La FGTB constate, à partir des informations reçues à ce jour, un décalage entre les mesures envisagées et la réalité du monde du travail. Comme nous l’avions pressenti, l’accès à la pension minimum, en particulier, est utilisé comme variable d’ajustement budgétaire.
Une pension minimum plus difficile d’accès
Nous avons obtenu la pension minimum à 1500 € net. Elle sera même de 1630 € en 2024, suite aux différentes indexations. Pourtant, à partir de 2024, on va empêcher des milliers de personnes d’y avoir accès. En effet, l’accès à la pension minimum sera conditionné à 20 années de travail effectif. Ce faisant, on porte atteinte de manière inacceptable au principe des périodes assimilées. On apprend certes que des périodes transitoires et des corrections sont prévues, notamment par la prise en compte – partielle ! – des périodes d’incapacité de travail, ou par celle du congé de maternité, pour calculer ces 20 années de travail effectif. Mais elles restent insuffisantes. Il est inacceptable de sanctionner, même partiellement, le travailleur ou la travailleuse qui a été malade. Par ailleurs, après la crise liée à la covid, il est choquant d’apprendre que le chômage temporaire ne sera pas considéré comme du travail effectif. On peut donc craindre une augmentation de la pauvreté dans les rangs des pensionnés.
Des perdants, et surtout des perdantes
En ajoutant une condition de carrière, inexistante jusque-là, il y aura des perdants. Les nouvelles conditions imposées impliquent une perte de pension pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines d’euros pour environ un tiers des personnes qui aujourd’hui peuvent prétendre à la pension minimale. Parmi elles, on retrouve principalement des femmes, qui ont travaillé à temps partiel (rarement par choix !) ou qui ont une carrière morcelée. Notamment parce qu’elles ont été amenées à réduire leur temps de travail ou à interrompre leur carrière pour s’occuper des personnes dépendantes de leur entourage. Car nous vivons toujours dans une société où la répartition des rôles est encore trop stéréotypée, et où les tâches de soins – non rémunérées – retombent généralement sur les femmes.
Une bien pauvre revalorisation pour les temps partiels
On nous dit par ailleurs que le calcul d’accès à la pension minimum sera « revalorisé » pour les travailleurs (et surtout travailleuses) à temps partiel. De quoi parle-t-on ? D’une prise en compte de 5 années de travail à temps partiel seulement, qui seront considérées comme un temps plein, SI elles ont été prestées avant 2001. Si le principe de revaloriser la pension des travailleuses à temps partiel était un élément qui pouvait nous réjouir, l’objectif ne semble pas atteint. Ce calcul laisse en effet de côté les travailleuses plus jeunes, alors que la marché de l’emploi n’a pas évolué aussi vite, et que de nombreux secteurs continuent de fonctionner autour de contrats à temps partiel. Et plus généralement, cette revalorisation ne touchera plus grand monde, au vu de la difficulté globale à atteindre la pension minimum…
Et les métiers pénibles ?
La FGTB demande depuis des années que la pénibilité au travail soit prise en compte dans la réforme. Travail de nuit, tâches répétitives, flexibilité accrue, charge psychosociale importante, etc., sont, parmi d’autres, des critères de pénibilité qui doivent permettre de partir plus tôt à la pension, sans perte financière. L’actuel gouvernement reste en défaut par rapport à cette demande. Et la solution ne réside pas dans la réintroduction du bonus pension… Car il faudra être en bonne santé pour pouvoir travailler plus longtemps ! D’ici à 2030, l’âge légal de la retraite passera à 67 ans, alors que l’espérance de vie moyenne en bonne santé n’est que de 65 ans. Travailler plus longtemps est donc impossible pour beaucoup de gens. L’explosion du nombre de malades de longue durée en atteste. C’est pourquoi la FGTB préconise l’accès à la pension à partir de 40 années de carrière.
Oser la réduction collective du temps de travail
Les dépenses liées aux pensions vont inévitablement augmenter au cours des prochaines décennies. Mais la productivité et les richesses sont également en augmentation constante ! Ce qui permet d’assumer cet investissement. Par ailleurs, les réductions de cotisations sociales patronales et les rémunérations alternatives – sur lesquelles aucune cotisation n’est prélevée – représentent des moyens à récupérer. Augmenter le taux d’emploi permettrait aussi, via les cotisations de sécurité sociale perçues, d’améliorer le financement des pensions. Mais les recettes appliquées ont aujourd’hui peu d’effet : il est temps d’oser la réduction collective du temps de travail avec embauche compensatoire et sans perte de salaire.
Refinancer notre système de pension par répartition est le choix politique à faire au lieu d’appauvrir les pensionnés.