Cette carte blanche a été publiée sur le site du journal
Le Vif le 30 juin et
est accessible ici.

Dans une note titrée « Le référendum de la CGSP : une réponse inadaptée » adressée à l’ensemble du personnel du CHU Saint-Pierre quelques jours avant l’organisation d’un Référendum à l’Initiative des Travailleurs.euses sur la question de la privatisation de son service de gardiennage, la direction a tenté de dissuader les membres du personnel de cet hôpital public de participer à cette action collective soutenue par une des délégations syndicales. En dépit de cette forte pression, un tiers de travailleur.euses a participé au référendum et s’est exprimé massivement contre la privatisation de ce service. Après avoir voulu empêcher l’expression de la voix des travailleurs.euses, la direction n’a, à ce jour, toujours pas donné suite à ce résultat qui va à l’encontre de sa décision. Elle considère le faire au nom d’un « mieux » pour tou.tes, or celui-ci est défini sans consulter les premiers concernés : les travailleurs.euses de l’hôpital. Une action en référé a été lancée par la CGSP ALR et un agent du service de gardiennage contre la direction pour non-respect de ses obligations de concertation sociale. Quelle que soit la décision du juge, nous considérons que la direction a largement montré son mépris pour la voix des travailleurs.euses et de leurs représentant.e.s sur la question de la privatisation, mépris qu’elle a exprimé à nouveau avec force tout au long du processus de l’organisation du référendum.

Le Référendum à l’Initiative des Travailleurs.euses (RIT) organisé ces 14, 15 et 16 juin au CHU Saint-Pierre sur la question de la privatisation du service de gardiennage fut un succès. Succès en termes de participation et de mobilisation, succès en termes d’expérience démocratique et en termes de solidarité. Annoncés lors d’un rassemblement de plusieurs dizaines de personnes devant le CHU Saint-Pierre ce jeudi 16 juin, les résultats de ce Référendum à l’Initiative des Travailleurs.euses sont sans appel. Ils montrent de la part des membres du personnel un refus catégorique de la privatisation du service de gardiennage et une volonté criante de prendre part aux questions qui les concernent. En effet, à la question “Êtes-vous pour ou contre la privatisation du service de gardiennage du CHU Saint-Pierre ?”, 661 membres du personnel sur 767 votants se sont prononcés contre, 32 pour, 69 se sont abstenus, et 5 bulletins étaient nuls. À la question “Êtes-vous pour ou contre plus de participation des travailleurs.euses aux grandes décisions du CHU Saint-Pierre?”, 649 personnes ont dit être pour, 36 contre, 69 personnes se sont abstenues et 13 bulletins étaient nuls. Le dépouillement a été opéré par une équipe d’académiques, faisant partie de la centaine de signataires de la carte blanche publiée ce 8 juin dernier en soutien à cette initiative des travailleurs.euses, selon la méthodologie élaborée par l’équipe organisatrice et garantissant l’absence de fraude.

En outre, cette pression exercée sur les travailleurs.euses pour les dissuader de participer à une action collective soutenue par la délégation syndicale de la CGSP ALR constitue à nos yeux une atteinte grave à la liberté d’action syndicale. Cette action collective est directement visée dans le titre-même de la note de la direction “Le référendum de la CGSP : une réponse inadaptée”. Si une direction, y compris les chefs de services, avait fait pression sur des travailleurs.euses pour qu’ils et elles ne participent pas à une assemblée syndicale, cela aurait provoqué, à raison, un véritable tollé. Pourquoi cela serait-il différent en ce qui concerne la participation à un référendum ? Nous y voyons donc une attaque contre l’organisation des travailleurs.euses et contre le déploiement d’actions pour faire valoir leurs intérêts : la direction entend remettre en question la liberté de choix des syndicats de leurs modes d’actions et de consultation des travailleurs.euses, et par là, de manière plus générale, le rôle de l’organisation syndicale qui ne se limite pas à siéger dans les organes de concertation, a fortiori lorsque la négociation aboutit à une impasse.

Dans ce sens, il est essentiel de rappeler que l’organisation de ce référendum a également été rendue nécessaire, étant donné que la décision de privatisation a été prise de manière unilatérale par la direction pendant une concertation sociale en cours sur l’organisation du travail dans le service durant laquelle la privatisation n’avait jusque-là jamais été mentionnée. Ainsi, la direction a elle-même créé les conditions d’une intervention particulière – le RIT – qui devait être déployée en urgence face au refus de consulter les délégations syndicales sur le principe de la privatisation – elles ne furent invitées à négocier que sur les seules conséquences sociales de cette décision – dans un contexte où de nombreuses actions, manifestations, grèves, interpellations et pétitions avaient déjà été menées par les travailleurs.euses pour exprimer leur opposition à cette privatisation et ses conséquences sur le fonctionnement ordinaire de l’hôpital, sur les conditions de travail de l’ensemble des membres du personnel, mais également quant aux relations qui vont se nouer avec les patient.e.s de l’hôpital : avoir un service de gardiennage interne, lié structurellement au CHU Saint-Pierre et sur lequel celui-ci a la mainmise, paraît essentiel pour les travailleurs.euses de cet hôpital qui, en tant qu’hôpital public dans un quartier populaire du centre-ville, accueille des publics en situation de précarité sociale, économique et psychologique.
Le comité académique de suivi du référendum, composé des professeur.e.s et chercheurs.euses suivant.e.s :
Mateo Alaluf, professeur émérite de l’ULB
Francine Bolle, maîtresse de conférences en histoire à l’ULB
Florence Delmotte, chercheuse en science politique et professeure, F.R.S.-FNRS/Université Saint-Louis – Bruxelles
Elise Dermine, professeure de droit du travail à l’ULB
Corinne Gobin, maître de recherche FNRS à l’ULB
Serge Gutwirth, Professeur de droit à la VUB
Natalia Hirtz, docteure en sociologie et chercheuse au Gresea
Carla Nagels, professeure en criminologie, ULB
Nouria Ouali, professeure à la Faculté de Philosophie et Sciences sociales de l’ULB
Marcelle Stroobants, sociologue, professeure à l’ULB
Maria Cecilia Trionfetti, doctorante en sociologie du travail à l’ULB
Sixtine Van Outryve d’Ydewalle, doctorante en droit à l’UCLouvain
Pierre-Etienne Vandamme, chercheur en théorie politique à l’ULB
Jean Vandewattyne, professeur à l’UMONS
Laurent Vogel, professeur honoraire à l’ULB